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Comprendre la SFDR : le cadre européen de transparence ESG expliqué simplement

Comprendre la SFDR, c’est comprendre ce qui structure la finance durable en Europe. Obligations, outils, impacts : on fait le tri.

Lecture 8 minutes
Clara Godin
20/06/2025
Rédactrice externe, juriste spécialisée en droit de l’environnement et en santé-sécurité au travail. Titulaire d’un Master 2 en droit de l’environnement de l’Université Paris-Saclay
SFDR PAI RTS EET

Face à l’urgence climatique, aux enjeux sociaux croissants et à la demande accrue de transparence financière, l’Union européenne a mis en place le Règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers ou le SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation).

Entré en vigueur en mars 2021, ce règlement impose aux professionnels de la gestion d’actifs – sociétés de gestion, banques, assureurs- communiquer de façon claire et harmonisée sur la prise en compte , ou non, des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans les produits d’investissement qu’ils proposent.

L’objectif est double : renforcer la transparence pour les investisseurs et lutter contre le greenwashing en encadrant les pratiques du secteur.

Qu’est-ce que la SFDR ?

La SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) est un règlement européen qui impose aux acteurs financiers de publier des informations claires et standardisées sur la durabilité de leurs produits d’investissement, afin de renforcer la transparence et de lutter contre le greenwashing.

Le règlement SFDR a été initié par la Commission européenne dans le cadre du Plan d’action pour la finance durable lancé en 2018. Il s’inscrit dans un ensemble plus large de textes réglementaires, en lien avec la Taxonomie européenne et la directive CSRD sur le reporting de durabilité des entreprises. L’objectif est de permettre aux investisseurs de comparer les produits financiers en fonction de leur performance ESG (environnement, social, gouvernance), tout en incitant les gestionnaires d’actifs à intégrer ces enjeux dans leurs décisions d’investissement.

Ainsi, cet article vous propose un déchiffrage complet du règlement SFDR : qui est concerné, que signifient réellement les mentions « Article 6 », « 8 » ou « 9 » et en quoi elles vous permettent d'orienter vos choix en matière d’investissement responsable.

Tout d’abord, le règlement SFDR agit dans un environnement avec de nombreux termes clés. Voici quelques définitions afin de mieux comprendre de quoi il s’agit :

  • PAI (Principal Adverse Impacts) : Indicateurs mesurant les effets négatifs significatifs qu’un investissement peut avoir sur les facteurs de durabilité (ex. émissions de GES, atteintes aux droits humains)
  • RTS (Regulatory Technical Standards) : Normes techniques définissant le format, le contenu et la présentation des informations à publier au titre de la SFDR
  • Documentation pré-contractuelle ?
  • Documentation périodique ?
  • Sustainability Risk (Risque de durabilité) : Risque qu’un événement ESG ait un impact négatif important sur la valeur d’un investissement
  • Taxonomie européenne : Classification officielle des activités économiques considérées comme durables sur le plan environnemental
  • Disclosure : Obligation de publication d’informations. Dans le cadre du SFDR, il s’agit de divulguer la façon dont les critères ESG sont intégrés (ou non) dans les stratégies d’investissement
  • EET (European ESG Template) : Format standardisé d’échange de données ESG entre fournisseurs de données, distributeurs et gestionnaires d’actifs en Europe

Qui sont les acteurs concernés par la SFDR ?

Le règlement SFDR s’applique à une large gamme d’acteurs du secteur financier opérant dans l’Union européenne. Il concerne principalement les participants aux marchés financiers (PMF) et les conseillers financiers, c’est-à-dire :

  • Les sociétés de gestion d’actifs (OPCVM, FIA, fonds d’investissement alternatifs)
  • Les compagnies d’assurance proposant des produits d’investissement fondés sur l’assurance-vie
  • Les établissements de crédit commercialisant des produits d’épargne ou de placement
  • Les fonds de pension et institutions de retraite professionnelle
  • Les conseillers financiers indépendants ou liés, qui recommandent des produits financiers à des clients

Ces acteurs doivent publier des informations précises sur leur politique en matière de durabilité, sur les risques ESG associés à leurs investissements, et sur les impacts négatifs potentiels de leurs décisions d’investissement (PAI – Principal Adverse Impacts).

Il est important de noter que même les acteurs n’intégrant pas les critères ESG dans leurs stratégies d’investissement sont soumis à une obligation de transparence : ils doivent explicitement l’indiquer et justifier leur choix. En ce sens, la SFDR ne rend pas l’investissement durable obligatoire, mais impose une clarification des intentions et une standardisation des discours autour de la durabilité.

Enfin, si la SFDR concerne les acteurs européens, elle a également un effet extraterritorial : les entités non européennes qui souhaitent commercialiser des produits financiers dans l’UE doivent aussi se conformer à certaines exigences du règlement.

Quels sont les produits financiers concernés ?

Le règlement SFDR s’applique à l’ensemble des produits financiers proposés aux investisseurs par les acteurs du secteur financier. Cela inclut une grande variété d’instruments, dès lors qu’ils sont commercialisés dans l’Union européenne. Sont notamment concernés :

  • Les fonds d’investissement (OPCVM, FIA)
  • Les produits d’assurance-vie en unités de compte
  • Les produits de retraite professionnelle ou individuelle
  • Les portefeuilles gérés sous mandat
  • Les produits de titrisation
  • Certains produits structurés et instruments dérivés, s’ils relèvent de la gestion collective ou sont proposés dans un cadre d’investissement

Le SFDR ne se limite donc pas aux seuls produits dits « verts » ou étiquetés ESG. Il s’applique à tous les produits financiers, qu’ils intègrent ou non des critères de durabilité. L’enjeu central du règlement est de clarifier le positionnement ESG de chaque produit, en obligeant les gestionnaires à déclarer, selon des standards communs, s’ils prennent en compte les facteurs ESG, dans quelle mesure, et avec quel objectif.

Ainsi, tous les produits doivent être classés dans l’une des trois catégories suivantes, définies par les articles 6, 8 et 9 du SFDR :

  • Article 6 : produits sans objectif ESG ni engagement de prise en compte de critères durables
  • Article 8 : produits promouvant des caractéristiques environnementales et/ou sociales
  • Article 9 : produits ayant pour objectif explicite l’investissement durable

Cette classification doit apparaître dans la documentation précontractuelle et périodique des produits (prospectus, DICI, rapports). Elle permet à l’investisseur de comparer les produits selon leur niveau d’engagement ESG, en toute transparence. Pour en apprendre plus, rendez-vous sur notre article dédié (lien vers article Article 6,8,9).

Quels sont les outils réglementaires associés à la SFDR ?

Pour garantir l’efficacité et l’harmonisation de la mise en œuvre du SFDR, plusieurs outils réglementaires et cadres techniques ont été développés en complément. Ces instruments assurent une standardisation du reporting, une comparabilité entre produits et une interopérabilité avec les autres réglementations durables.

  • RTS (Regulatory Technical Standards) : Ces normes techniques de réglementation précisent comment les acteurs financiers doivent présenter leurs informations SFDR. Elles définissent le format, la structure des documents, les indicateurs à publier, ainsi que les méthodes de calcul pour les impacts de durabilité. Les RTS sont indispensables pour comprendre le contenu du reporting SFDR.
  • PAI (Principal Adverse Impacts) : Il s'agit d’une grille d’indicateurs permettant de mesurer les effets négatifs potentiels qu’un produit financier peut avoir sur les enjeux ESG (par exemple : émissions de CO₂, consommation d’eau, atteintes aux droits humains). Depuis 2023, la publication d’un rapport PAI est obligatoire pour les grandes entités.
  • Lien avec la Taxonomie européenne : La SFDR et la Taxonomie sont deux piliers complémentaires de la finance durable européenne. Alors que la Taxonomie identifie les activités économiques considérées comme durables sur le plan environnemental, la SFDR indique si et dans quelle mesure un produit financier investit dans ces activités. Ensemble, ils renforcent la transparence et la crédibilité des produits verts.
  • Interopérabilité avec d’autres cadres : La SFDR est conçu pour s’articuler avec d'autres initiatives réglementaires ou volontaires, telles que : CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) : reporting extra-financier des entreprises GRI (Global Reporting Initiative) et ISSB (International Sustainability Standards Board) : référentiels internationaux de durabilité TCFD (Task Force on Climate-related Financial Disclosures) : cadre de reporting climatique centré sur les risques

Cette interopérabilité vise à éviter la fragmentation des standards ESG et à faciliter le dialogue entre entreprises, investisseurs et régulateurs.

Quel est l’impact sur les exigences en termes de transparence ?

La mise en œuvre du règlement SFDR a profondément renforcé les obligations de transparence dans le secteur financier, à plusieurs niveaux.

D’une part, au niveau des entités, les sociétés de gestion doivent désormais publier leur politique d’intégration des risques en matière de durabilité, en expliquant comment les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont pris en compte dans leurs décisions d’investissement. Elles doivent également communiquer leur position sur les principaux impacts négatifs (PAI – Principal Adverse Impacts) que leurs investissements pourraient avoir sur les facteurs de durabilité.

D’autre part, au niveau des produits financiers, la SFDR impose de classifier chaque produit en fonction de son niveau d'engagement ESG (article 6, 8 ou 9), et de refléter cette classification dans les documents précontractuels (comme les DICI) ainsi que dans la communication marketing. L’investisseur dispose ainsi d’une information claire sur les caractéristiques de durabilité des produits qui lui sont proposés.

Enfin, les sociétés doivent décrire l’intégration des risques de durabilité, c’est-à-dire expliquer comment les risques ESG sont évalués, intégrés et susceptibles d'impacter le rendement financier d’un produit. Cette transparence accrue vise à limiter le greenwashing et à encourager une allocation de capital plus responsable.

Exemples de finalités et d’utilisations de la SFDR

Ainsi, ces exigences ont plusieurs finalités - le règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) a été conçu comme un outil structurant pour orienter les marchés financiers vers une plus grande durabilité. Il poursuit plusieurs finalités concrètes, à la fois pour les acteurs financiers et les investisseurs.

Tout d’abord, la SFDR vise à renforcer l’information des investisseurs. Grâce à une présentation harmonisée des caractéristiques ESG des produits financiers, les épargnants peuvent comparer plus facilement les placements disponibles sur le marché, en fonction de leur niveau d’alignement avec des critères environnementaux, sociaux ou de gouvernance. Cette transparence accrue permet aux clients d’investir en cohérence avec leurs valeurs et leurs préférences en matière de durabilité.

Ensuite, la SFDR introduit un cadre officiel de classification des fonds, basé sur trois catégories (article 6, 8 et 9). Ce dispositif établit une distinction claire entre les produits qui ne prennent pas en compte les critères ESG (article 6), ceux qui les intègrent de manière significative (article 8), et ceux qui visent un objectif d’investissement durable explicite (article 9). Cette catégorisation rend lisible le positionnement ESG de chaque produit et facilite la construction de portefeuilles durables.

Un autre objectif majeur de la SFDR est la lutte contre le greenwashing. En obligeant les gestionnaires d’actifs à fournir des justifications détaillées et standardisées pour toute déclaration ESG, le règlement encadre strictement les pratiques de communication marketing. Cela réduit les risques de déclarations trompeuses ou excessives sur la durabilité réelle des produits financiers.

La SFDR joue également un rôle dans l’alignement des flux financiers avec les objectifs climatiques de l’Union européenne, notamment la neutralité carbone d’ici 2050. En imposant des obligations de transparence sur les impacts négatifs des investissements (PAI), et en articulant ses exigences avec d’autres cadres comme la Taxonomie européenne, le règlement favorise l’identification et le financement des activités économiques réellement durables.

Enfin, à une échelle plus macroéconomique, la SFDR contribue à réorienter les capitaux vers des secteurs prioritaires pour la transition écologique et sociale, en cohérence avec le Pacte vert européen. En ce sens, elle n’est pas seulement un outil de reporting : c’est un levier de transformation du système financier.

Dernières actualités SFDR

La réglementation SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), en vigueur depuis mars 2021, a subi plusieurs phases de révisions. Certaines institutions européennes -dont la Commission européenne, l’AMF (Autorité des Marchés Financiers), l’IFD (Institut de la Finance Durable) et son homologue allemand le SFB - ont publié des prises de position officielles appelant à un renforcement et à une clarification du cadre.

Un besoin reconnu de réforme

En juillet 2023, la Commission européenne lançait une consultation publique sur la révision du règlement SFDR. Cette initiative vise à remédier aux failles constatées dans la mise en œuvre initiale : incertitudes juridiques, trop grande marge d’interprétation des articles 6, 8 et 9, complexité des obligations de reporting, et difficultés d’application pour les acteurs financiers.

Février 2024 – Prise de position de l’AMF

En réponse, l’AMF publie en février 2024 une prise de position, dans lequel elle appelle à une refonte de la SFDR selon deux axes principaux :

  • Clarification des catégories de produits : introduction de critères objectifs et vérifiables pour encadrer la catégorisation des produits financiers selon leur niveau d’engagement ESG.
  • Simplification des obligations de transparence, en focalisant les exigences sur des informations pertinentes pour les investisseurs, et en assurant leur cohérence avec les autres réglementations européennes (CSRD, Taxonomie, ESRS…).

L’AMF rappelle que la SFDR doit rester un outil central de comparaison entre produits, sans créer une nouvelle couche de reporting inutile.

Juin 2024 – Position franco-allemande conjointe (IFD & SFB)

L’IFD (France) et le SFB (Allemagne) publient une prise de position commune, soulignant l’importance de :

  • Renforcer la cohérence entre les textes de la finance durable, notamment entre la SFDR, la Taxonomie européenne et la CSRD
  • Clarifier le concept d’investissement durable, trop vague aujourd’hui, en intégrant explicitement la notion de transition comme pilier central.
  • Réduire les marges d’interprétation actuelles, qui freinent l’implémentation concrète du règlement par les acteurs financiers.

Le document insiste sur la nécessité de définitions plus rigoureuses et de standards harmonisés à l’échelle européenne, afin d’assurer la robustesse et la crédibilité de la SFDR.

En parallèle : les travaux techniques continuent

La mise à jour des RTS (Regulatory Technical Standards), initialement publiée en 2022, a été révisé pour intégrer de nouveaux indicateurs, notamment sociaux, et améliorer l’harmonisation du reporting. La nouvelle application des RTS a eu lieu à partir de janvier 2025.

La Commission travaille également sur l’hypothèse d’un nouveau système de classification des produits, fondé sur quatre catégories :

  1. Produits neutres (ex. article 6)
  2. Produits promouvant des caractéristiques ESG (ex. article 8)
  3. Produits ayant un objectif durable (ex. article 9)
  4. Produits de transition ou à impact (nouvelle catégorie envisagée)

Cette réflexion vise à mieux refléter la diversité des approches ESG, tout en luttant plus efficacement contre le greenwashing.